Drolement
fous plutôt que follement drôles, les Killing Joke échappent
à tous les controles et font de plus en plus de victimes.
L'expression "killing joke" fait partie de ces termes anglo-saxons
difficilement traduisibles mais qui décrivent bien leur objet.
Prenons donc, si vous le voulez bien (n'avez pas le choix !), un exemple
tout con. Et imaginons un pauvre type qui, crevant au beau milieu du Sahara,
s'aperçoit qu'il a bêtement omis de prendre une roue de secours
et que ses réserves de flotte sont aussi pleines qu'un frigidaire
éthiopien. Eh bien pour lui, c'est la "killing joke",
la blague bougrement désagréable, la vanne mortelle en somme,
l'ironie implacable du sort.
Jaz Coleman, quant à lui, utilise une image encore plus forte pour
expliquer la plaisanterie ultime. Pour lui en effet, la "killing
joke" c'est un mec qui se retrouve durant une guerre dans une tranchée,
on sonne la charge, il part à l'attaque à 10 contre 1000,
et alors qu'il court vers une mort certaine et horriblement douloureuse,
il pense au politicien qui a déclenché tout ce merdier et
qui doit se la couler douce un verre de cognac à la pogne dans
son douillet cottage du Sussex. Dur, dur, disait j'sais plus qui.
Drôle de vanne donc que cette "killing joke". Pas un hasard
si ce frappé de Jaz Coleman se l'est accaparée pour qualifier
les activités musicales de choc de son combo, car avec les Killing
Joke, rien n'est raisonnable. Je connais peu de groupes qui soient parvenus
à se forger une si mauvaise réputation en si peu de temps.
La leur est épouvantable. Il faut signaler à cette occasion
que la presse anglaise a fait là un travail de longue haleine assez
ignoble pour tenter de leur casser la baraque. Dès le début
ils ont été redoutés, puis détestés,
dénigrés, calomniés pour n'être finalement
acceptés du bout des lèvres que tout récemment. C'est
que ces gens-là ne sont pas convenables. J'espère bien,
non mais sans blague.
WAR DANCE
Pourtant, tout
a commencé le plus gentiment du monde dans la paisible province
britannique du Gloucestershire (capitale: Gloucester, bravo si vous
aviez deviné), à Cheltenham plus exactement, cité
ni vraiment champêtre, ni complètement surindustrialisée.
C'est là que Jaz Coleman rencontre le batteur Paul Ferguson en
juin 79 chez leur futur manager Brian Taylor. Jaz a une formation classique,
il a en effet fait partie de cette institution à violons et trompettes
anglaise nommée le National Youth Orchestra en tant que choriste
(on recherche toujours des photos!), mais il s'en est vite remis en
se prenant violemment le mouvement punk en pleine tête, et a dorénavant
des prétentions de chanteur et de joueur de synthé.
Le discret Paul, qui a déjà écume les clubs et
pubs de la région avec plusieurs groupes approximatifs, désire
maintenant passer aux choses sérieuses. Mais nos deux hommes
ont besoin de deux polisseurs de manche. Après plusieurs coups
dans l'eau, ils tombent sur deux personnages à leur pointure,
le guitariste Geordie et le fantasque bassiste Martin "Youth"
Glover. Ces deux derniers n'ont d'ailleurs jamais joué dans un
groupe auparavant, ce qu'ils se gardent bien d'annoncer à leur
audition. Mais Jaz et Paul sont conquis, les deux nouveaux lascars font
l'affaire. Une sale affaire. Le groupe répète alors dans
le Gloucestershire et travaille directement sur des compositions personnelles.
Ce qu'ils ont à exprimer ne peut en effet venir que d'eux-mêmes.
Ils parviennent rapidement à décrocher des premières
parties avec les Ruts, et excusez du peu, Joy Division. Leur set encore
très brut et fouillis impressionne déjà les petits
veinards qui assistent à ces tournées.
Fin 79, ils signent un deal avec le label Malicious Damage, une appellation
qui leur va comme un gant, et sortent dans la foulée leur premier
EP, Are You Receiving ?. Apparemment pas
grand monde ne reçoit vraiment, mais le truc est plus que prometteur.
Dès ce premier jet, on sent ces quatre sur-excités capables
de grandes choses, leur acharnement à vouloir déverser
leur énergie en faisant le plus de bruit possible les classe
dès le départ en marge de la scène post-punk britannique,
quelque chose de nouveau est en train de se déclencher, un nouveau
mouvement, qui sait ?
Au début de l'année suivante, alors que la seconde vague
du punk anglais recommence à y croire avec des groupes comme
1919 ou Chelsea, Killing Joke sort son Requiem.
Dans ce single hypnotique, au tempo médium et lourd, on retrouve
tous les ingrédients du style KJ, un mur du son de guitare, un
Jaz hurlant sa hargne, et une rythmique musclée. Le groupe commence
déjà à avoir un certain following fidèle
qui se forme plus grâce au bouche-à-oreille qu'aux éloges
de la presse spécialisée. Mais ce n'est vraiment qu'avec
le 45t suivant, le classique WarDance,
que les choses se précisent. Le single entre dans les charts
indépendants, et le groupe n'en ressortira que pour investir
en grande pompe les charts officiels cinq ans plus tard. WarDance,
sur la pochette duquel on trouve Fred Astaire dansant sur un champ de
bataille couvert de macchabées (une idée de ce pervers
Mike Coles), devient rapidement un hymne de la belle jeunesse lobotomisée.
Mais laissons le toujours-en-verve Jaz exprimer lui-même sa conception
de la danse de la guerre : La "War Dance", c'est la parano
de tous, qu'on le veuille ou non. Nous sommes arrivés à
un tel degré d'émotion que les gens doivent célébrer
la danse de la guerre. C'est devenu une autre part de nous-même
et cela n'a rien de pessimiste. Nous sommes simplement en train d'accepter
la réalité, nous faisons face et c'est bien mieux que
de baisser les bras ou de rêvasser. La musique de PIL ou de Joy
Division par exemple ne mène les gens qu'à la déprime,
cela mine tellement que, après l'avoir écoutée,
tu n'as plus envie d'essayer quoique ce soit. Je préfère
la rigidité, la tension, le conflit, cela me motive.
.
PRIMITIVE
Nous y voilà.
Une bonne part de cette sale réputation du groupe est à
créditer aux déclarations ambiguës de Jaz. C'est
à croire qu'il fait tout pour qu'on l'accuse des pires maux.
Il dit par-là qu'il admire Wagner et Nietzsche, il annonce par-ci
qu'une bonne grosse guerre serait une bonne chose, enfin bref tout pour
qu 'on le taxe d'abominable fasciste. Et pourtant Killing Joke n'a rien
d'un escadron fascisant. D'abord parce que pour cela il faudrait qu'ils
acceptent les doctrines d'un système politique vicieux et qu'ils
se plient à une discipline aveugle, ce dont ils sont incapables.
Et ensuite parce que leur seul talent et prétention consistent
à exprimer à leur façon l'absurdité du monde
du 20° siècle et évoquer les violences urbaines au
travers d'une musique justement extrêmement violente elle-même.
Ils ne dénoncent en effet jamais clairement les injustices sociales,
le chômage, la crise anglaise ou la guerre, ils sont déjà
dedans jusqu'au cou, ils vivent cela depuis toujours, et ils connaissent
déjà les pillages, les pénuries, les épidémies.
Leur truc n'est jamais pensé, raisonné, planifié,
ça sort du ventre, c'est primitif. Alors oublions ces conneries
sur le fascisme (qui a aussi failli faire du tort à Joy Div'
et même à Bowie) et revenons au premier LP, simplement
intitulé Killing Joke qui sortit
fin 1980 sur le label de Brian Eno, EG.
Et dès le premier album c'est le clash, la baffe, la grosse bertha.
Le groupe y va droit à l'essentiel, ne s'encombre pas de détails
dans le son et décharge son urgence à une vitesse difficilement
supportable. L'intensité est telle que l'on pourrait le qualifier
de hard-punk. D'ailleurs le seul instrumental du disque, Bloodsport,
évoque plus que vaguement les premiers délires sonores
de Led Zeppelin. Mais le principal atout de KJ réside dans des
morceaux comme le bien nommé Primitive,
WarDance (dont la version est ici encore
plus sauvage que sur le 45) ou encore Complications.
En plus, le packaging de la pochette colle parfaitement au contenu.
On y trouve des gamins dévalant un mur apparemment au milieu
d'une émeute. A l'intérieur on les retrouve face à
un Christ plus diabolique qu'autre chose. Dans un coin de la photo apparaît
pour la première fois leur petit personnage fétiche, une
sorte de joker chauve au regard malsain et envoûtant. On est tout
à fait dans l'univers Killing Joke.
L'année 81 va être bien remplie pour nos quatre garçons
dans la tempête. Le groupe est aux states en tout début
d'année et les pauvres ricains n'en croient ni leurs oreilles
ni leurs yeux. Il faut dire que Killing Joke, sur scène, procure
un effet unique. La personnalité de Jaz écrase complètement
ses musiciens, on ne voit que lui; à cette époque, il
est toujours vêtu d'une combinaison noire et se peint le visage
avec de grandes trainées noires et rouges tel un guerrier africain.
Son charisme qui tient du satanisme et de l'hypnotisme ne laisse personne
indifférent. Mais les Etats-Unis ne sont pas prêts pour
ce genre de célébrations païennes et le groupe rentre
à Londres au printemps après avoir dévasté
quelques chambres d'hôtel et avoir fait quelques déclarations
scandaleuses. Ils y enregistrent le single Almost
Red, suivi en mai du second grand classique du groupe Follow
The Leaders / Tension pour lequel Nick Launay (qui travailla avec PIL)
vient prêter main forte. Ces deux singles comme tous les disques
précédents sont ; encore concoctés au départ
dans leur propre studio 8 pistes pour être ensuite enregistrés
au Virgin's Town House et produits par eux-mêmes.
Follow The Leaders, le morceau le plus
hypnotique et le plus envoûtant de leur carrière restera
5 semaines dans les charts officiels mais ne dépassera pas la...
55" place. Pour les charts indépendants, c'est bien entendu
une autre histoire. Bien que mieux enregistré que Killing
Joke, What's This For... !, leur
2" album qui sort en octobre n'en est pas moins totalement la suite
logique du premier LP. On y retrouve le même son de guitare en
avant, les mêmes riffs cinglants, la même batterie qui a
l'air d'avoir oublié ses cymbales et la même conviction
enragée dans la voix de Jaz. Avec trois ans d'avance, Killing
Joke inventait ce que l'on qualifierait plus tard de positive punk.
Les points forts de ce disque sont avant tout The
Fall of Because, son rythme syncopé et ses descentes de
guitare très hardos, Tension, la
face B de Follow the Leaders que l'on retrouve
aussi ici. L'album entrera aussi par la petite porte dans les charts
officiels et ce à la 42" place, ce qui est mieux que rien.
Mais le groupe provoque tout de même une belle controverse au
sein de la presse britannique. La violence de leurs concerts et les
allures de leurs fans les rendent aux yeux de certains.coupables de
dégradation morale, de blasphèmes, de corruption (?),
de magie noire et de tout un tas de sports de ce genre. Une association
de Catholiques romains de Glasgow réussira même à
faire interdire un de leurs concerts. KJ ne se traumatise pas pour autant,
car le public est de plus en plus nombreux et inconditionnel. En 81,
il n'est pas de ville en Angleterre où l'on ne trouve quelques
Killing Joke bombés sur les murs.
HUM
C'est que dorénavant
Killing Joke est entré, de force mais bien entré quand
même, dans le panorama musical et social de l'Angleterre. C'est
une sorte de mal nécessaire, une soupape de sécurité,
comme la violence aux matches de foot, les beuveries aux pubs, ou les
bookmakers. Mais alors que la musique rock anglaise adoucit le ton en
82 avec des revirements spectaculaires comme ceux, entre autres, d'Ultravox,
des Stranglers ou encore de Cabaret Voltaire, les Killing Joke restent
durs et fermes avec trois singles, Birds of a
Feather, Empire Song et Chop-Chop,
dont les deux derniers se retrouvent sur le LP Révélations.
En fait de révélations, ce troisième album décocherait
plutôt des flèches empoisonnées en direction de
la société bien pensante anglaise. Les paroles sont au
comble de la provocation. Dans Chop-Chop,
Jaz déambule dans une banlieue résidentielle et la décrit
comme un extra-terrestre allumé pourrait le faire. Dans We
Have Joy il illustre la philosophie Killing Joke par ce refrain
: "Nous étions saouls, intoxiqués, nous n'avions
pas le temps de douter, pas de temps à perdre, j'ai vu le rieur,
c'était l'Ouest, il m'a dit de prendre mon épée
et de lacérer la chair, nous avons la joie".
Hum annonce l'arrivée d'un étrange
vrombissement dans le ciel, parle de mouche mais il faut comprendre
avions de chasse ou bombe. L'album, produit par Conny Plank (DAF, Neu,
Ultravox...) fait un sacré bruit et ne fait que creuser davantage
le ravin qui sépare leurs fans de leurs détracteurs. Mais
le groupe semble avoir été trop loin, Jaz finit par vivre
la folie qu'il déclenche à chacun de ses concerts et il
commence à sérieusement dérailler. Et à
la surprise générale, à la suite d'une tournée
américaine et canadienne, il quitte l'Angleterre avec Geordie
pour l'Islande, sans même prendre le soin de prévenir la
maison de disques ou les autres musiciens.
Au début, Jaz et Geordie se joignent à un groupe local
nommé Peyr, mais Geordie se lasse vite du bled et rentre à
Londres retrouver le reste du groupe encore plus décalé
que Jaz. Youth n'a alors parait-il plus toute sa raison suite à
une trop grande et répétée absorption de substances
diverses mais toutes illégales. Jaz restera 7 mois en Islande,
se coupant complètement du monde rock et se recueillant dans
la nature. Il y prépare un livre, une symphonie, et médite
sur l'avenir du monde. A Londres tout le monde le croit fou à
lier.
Quoiqu'il en soit, l'avenir de l'hypothétique groupe semble irrémédiablement
compromis. On parle même à ce moment de pressions des médias
pour le pousser à la rupture définitive. Durant cette
période incertaine, il sortira quand même un disque, l'ironiquement
intitulé Ha, un 25 cm live enregistré
au Larry Hideaway de Toronto. Mais l'hiver devant être difficilement
soutenable en Islande, Jaz se décide à regagner l'Angleterre
fin 82. Sa première décision y sera d'éjecter Youth
du groupe et de trouver Paul Raven pour le remplacer. Un nouveau Killing
Joke est né et pour se faire la main, ils partent directement
en tournée US.
Mais donnons la parole à Jaz pour nous raconter ses expériences
islandaises:
J'y suis resté 7 mois, c'était très positif
pour moi, je me sentais très créatif là-bas, en
plus c'est un endroit idéal pour survivre (à la bombe
? ndlr). J'allais comme ça dans une grotte pour écrire
une symphonie, c'était grandiose. Mais j'ai trouvé qu'il
me manquait beaucoup de choses comme de boire et me saouler tous les
soirs avec mes amis et faire la musique que j'aime.
A cette époque quand on demandait à Jaz ce qu'était
devenu Youth il répondait invariablement : Je ne sais pas
où il est et il ne le sait certainement pas lui-même. Youth
a dû partir du groupe car il n'était plus en phase avec
ce que nous sommes aujourd'hui. Il a fini par croire tous les commérages
que l'on peut lire sur nous dans les journaux.
Donc, 83 sera synonyme de renouveau pour Killing Joke qui se remet à
y croire. C'est dans le courant de cette année que sort le superbe
Fire Dances, qui fut pourtant critiqué
par les vieux fans. C'est que l'on y sent le groupe plus mûr,
plus sûr de lui, avec un son beaucoup plus clair qu'auparavant.
Pourtant l'énergie brute et primaire est toujours bien présente
dans des titres comme The Gathering, Dominator
ou Song and Dance. Fire
Dances est aussi l'occasion pour le groupe de montrer ses trombines
sur une pochette (intérieure il est vrai) de dique. Symbole d'une
certaine ouverture ? Peut-être mais le groupe est toujours survolté
sur scène, et durant cette année 83 ils vont pietinner
les planches. Toute l'europe sera conquise par leur rock démoniaque,
y compris des pays peinards et neutres comme la Suisse et la Suède
qui d'habitude préfèrent une pop plutôt mielleuse.
Dorénavant le groupe a ses émules qui ont pour noms Sex
Gang Children, Southern Death Cult (futur The Cult), Ritual etc. toute
une nouvelle génération de rockers anglais élevés
au biberon punk et s'étant fait leurs premières dents
sur Joy Division, Spear of Destiny, PIL et Killing Joke. Mais ces derniers
ne les voient pas arriver d'un bon il :
Ils nous imitent un point c'est tout. On les connaît bien,
tu parles, ils nous suivaient partout en tournée, ils dormaient
dans notre camion, dans nos chambres d'hôtel, ce sont juste d'anciens
fans, déclarera Jaz à votre serviteur. Pourtant, KJ
pourrait être fier d'être à l'origine de tout un
mouvement qui nous a donné The Cult, Flesh For Lulu, les Sisters
of Mercy ou encore plus près de nous Oberkampf.
EIGHTIES
En 84, ils passent
quelques mois à Berlin avec le producteur Chris Kimsey, qui aussi
bizarre que cela puisse paraître bossa avec les Stones ( Emotional
Rescue, Tattoo You, Under Cover), Peter Frampton et même Peter
Tosh ! Cette surprenante association se concrétisera début
85 par le 5eme LP du groupe, Night Time.
Le virage amorcé avec Fire Dances
est alors bien confirmé. Le rock hargneux s'est légèrement
assagi et Killing Joke obtient même un hit, Love
Like Blood à
la surprise générale. Les puristes font la gueule, mais
la maison de disques se frotte les mains. Killing Joke s'ouvre une nouvelle
carrière avec un public tout neuf et très jeune, pratiquement
le même que Cure ou même Depeche Mode. Mais Jaz se balance
de savoir de quoi est composée sa clientèle: On s'en
fout de toutes ces conneries, on n'a jamais fonctionné grâce
aux modes, Killing Joke n'a jamais été rien d'autre que
Killing Joke et c'est très bien que de nouveaux publics nous
découvrent aujourd'hui, on n'a jamais voulu avoir de vieux fans
gâteux.
Mais la machine est en route et beaucoup de vieux fans gâteux
se détournent d'eux car ce n'est pas un hasard si Love
Like Blood investit le Top 20. Le morceau est bon, mais n'a rien
à voir avec les délires sonores, la hargne vitale des
disques précédents. Autre morceau phare de Night
Time, Eighties, célèbre
énergiquement la passion de Jaz pour cette décennie.
Je suis très excité par les 80's, c'est une des plus
fascinantes périodes de l'histoire car il va y avoir de profonds
changements. Je crois en un monde futur, je ne suis pas nihiliste. Des
choses folles vont se produire, de grandes mutations vont voir le jour.
Ainsi la nature va devenir la super-nature, seulement 20 % de la population
mondiale va survivre car personne n'est prêt, puis il y aura de
nouveau un monde sauvage. Les images de ce monde sont celles que tu
vois quand tu écoutes KJ.
Et il est vrai que plus que jamais les textes de Night
Time évoquent
un univers à la Conan le Barbare meets Blade Runner, frisant
une imagerie des plus heavy métal. Depuis, les Killing Joke sont
rerentrés en studio avec Chris Kimsey pour leur 6eme album, Brighter
Than a Thousand Suns. Ayant déjà la pré-cassette
de l'uvre tant attendue (sa sortie est repoussée depuis
4 mois) je dois avouer qu'il ne mérite pas, et de loin, tous
les espoirs que beaucoup avaient mis sur lui. Le son est encore plus
sage que sur Night Time, et le KJ rock
est devenu une sorte de compromis entre Human League et le style originel.
Vous connaissez déjà probablement leur nouveau hit, Adorations,
le single traînant et mou, le reste n'est guère mieux,
mis à part Rubicon, le plus nerveux
du lot.
Pourtant à écouter Jaz, cet album est leur meilleur: Notre
musique s'est développée, ce disque est notre chef d'oeuvre,
c'est LA création, c'est de la puissance honnête, c'est
colossal. L'explosion vient plus lentement mais elle est atomique dans
le sens naturel du terme. Ce que nous faisons maintenant est tout ce
que j'avais rêvé de Killing Joke, il n'y a plus de claviers
et nous sommes devenus comme un véritable orchestre car on a
chacun notre partie à jouer qui se mêle et forme un véritable
tout, c'est fantastique.
Et quand je lui ai demandé ce qui avait changé dans leur
façon de travailler depuis qu'ils étaient devenus un groupe
à hit singles, Jaz m'a répondu : Rien, on est toujours
les mêmes, il y a toujours les mêmes conflits entre nous,
on a pu rembourser pas mal de dettes, c'est tout. Et ne crois pas que
les maisons de disques et toute cette merde exercent plus de pressions
sur nous, c'est tout le contraire, on passe notre temps à les
persécuter.
Je l'espère bien, ils ont une réputation à maintenir
tout de même. En attendant de les revoir sur scène et en
grandes pompes au Zenith cette fois, je leur souhaite de ne pas jouer
à devenir aussi gros que le buf Cure, je les préfère
tant en crapaud maléfique.
Georges DAUBLON
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