London, I love you

London report durant octobre 1982
avec interviews de

Virgin Prunes - Southern Death Cult - Sex gang Children - Danse Society


Rock en stock
n°60 january 1983


"One penny for a guy, one penny for a guy", j'allais oublier, nous sommes fin octobre et, dans quelques jours, ce sera La Nuit d'Halloweeu. Fantômes, sorciers, sorcières, masqués, la grande nuit de la folie approche. Il n'en faut pas plus pour que je sois invité à La Nuit d'Halloween organisée dans une boîte près de la station de métro Charring Cross, avec, en vedette, les Virgin Prunes. Pour Londres, l'événement est de taille moyenne : important, puisque le groupe n'a pas joué cette année mais banal parce qu'il n'est qu'un des quinze concerts quotidiens. Avant le concert, j'interviewe Gavin, le chanteur des Virgin Prunes. Comment... ? Rêvez pas, je ne dévoile pas mes plans.

11 h précises - Gavin est au rendez-vous, sourire aux lèvres et pantalon de clown multicolore. Sachez, terriens, que les Prunes viennent de Dublin et qu'ils détonnent plutôt dans le monde du rock'n'roll. Deux chanteurs, un bassiste, un batteur, un guitariste, et un ami schizophrène absolument fascinant font partie du groupe. Jusque-là, rien de trop étonnant, mais s'est musicalement que les Prunes font la différence. Passant du bruit aux harmonies, de la terreur à l'amour, de la souffrance au plaisir, de la mélodie au chaos, ils sont comme un miroir îux mille reflets. On aime ou on déteste mais les Virgin Prunes ne laissent jamais indifférent. Parfois même ils font peur, surtout aux profanes.

Alors Gavin, nous nous étions perdus de vue ?
Et oui, nous avions beaucoup à faire, nais nous gardons ta coupure de presse. Ce l'est pas par la presse anglaise que tu aurais pu avoir de nos nouvelles. Elle ne nous aime pas trop, car elle ne peut nous coller une étiquette. L'autre soir, à une party, les questions étaient du genre : "Vous faites de l'art ?" et nous répondions : "Non". " Alors, vous faites du rock?" - "Non" - "Alors vous faites des Performances?" - "Non" Nous ne correspondons pas à une image donnée, à un stéréotype.

C'est pour cela que l'album If I die, I die sort avec un retard relatif...
Oui, le retard est relatif, bien entendu. La presse veut trouver un groupe, le porter au top, le descendre... elle veut commander. Ils n'ont rien pu faire pour nous, car nous sommes multi-irectionnels, on touche partout et à tout. Nous existons depuis deux ans et si l'on regarde notre discographie, on se rend compte de notre productivité créatrice. Nous avons fait des 45 t, des maxis, des cassettes, un coffret, des 25 cm et maintenant un album... et, j'oubliais, une vidéo. Si tu écoutes le tout, c'est la grande surprise, mais nous voulons surprendre. On prétend que nous sommes punk, oui, peut-être que les Virgin Prunes sont punk... mais c'est un mot qui prend la signification que tu veux bien lui donner. On ne peut pas trouver un mot "juste" pour nous qualifier ; notre truc c'est la musique, mais c'est...

La vie.
Oui, c'est plus simple (dit-il en souriant). Cela nous évite la voie sans issue, il faut refuser de s'enfermer, c'est néfaste. Notre truc, c'est l'émotion et le mimétisme. L'école où j'étais se trouvait tout près d'un centre d'handicapés moteurs. Nous ne pouvions communiquer avec ces gens normalement, alors je faisais comme eux, les mêmes mimiques, les mêmes gestes, c'était notre message ; tu peux arriver à cela avec l'émotion. Ce sont ces gens-là qui me fascinent, ils ont une vision, une perception différente du monde. Je restais donc des heures à "jouer", si l'on peut dire.

Ces gens exercent une si grande fascination sur toi ?
Oui, une réelle fascination. Pour.moi ce sont les seules personnes qui ont quelque chose à dire.

Et cette fascination pour la religion ?
Je déteste la religion, mais j'aime observer les gens qui vont dans les églises, leurs mimiques, leurs gestes, surtout les femmes. C'est bizarre comme rituel. J'aime tous les monuments, les bibelots, tous les trucs, mais la religion en elle-même ne m'intéresse pas.

Tu n'as pas encore vendu ton âme au diable ?
Non, pas encore, et les hommes de religion ne m'ont pas convaincu de leur mission, de leur savoir... de leur vérité.

Tu y retrouves des éléments, non ?
Oh ! oui, beaucoup ! Souvent on a peur de nous parce que nous nous intéressons à l'interdit. Mais s'intéresser ne veut pas dire s'identifier, heureusement. La mort, le suicide sont des éléments même de la vie... mais nous aimons aussi rire : croire que nous sommes pessimistes et noirs est totalement faux.

La scène sert d'exorcisme, tout comme la musique ?
Oui, totalement, je ne peux pas être sur scène commme dans la vie. Sur scène tu souffres beaucoup plus... mais ensuite, tout vas mieux. Sur scène, je suis troublé, j'adore la tension, l'agressivité, la colère, la violence. Quand une salle n'est pas acquise, qu'il faut te battre, alors c'est bien. Se servir du négatif pour le positif, c'est ça le truc. J'aime faire des concerts avec Crass et avec des groupes punks ; leur audience peut nous servir. En dehors de tout cela, je n'aime pas la violence gratuite et imbécile. Je ne suis pas violent. Sur scène, c'est de la provocation, mais en dehors, je ne la cultive pas. Sur scène je reste l'instigateur, l'acteur, le protagoniste... à l'extérieur je serais plutôt un "spectateur"
.
Quelle est ton attitude vis-à-vis des femmes ?
Excellente question. J'aime bien les femmes, la féminité, la passion, la relation forte. L'amour authentique est passionnel. Je peux écrire des chansons d'amour parce que la passion est un sentiment absolu. Tu peux trouver l'amour où d'autres ne le trouvent pas, comme tu peux trouver la beauté dans un endroit ignoré des autres.

Encore des émotions ?
Les femmes ont des émotions différentes, elles m'intriguent, elles me fascinent... et je sais qu'elle peuvent être dangereuses.

If I Die... I Die
"If I Die... I Die", c'est une voie et le coffret que nous sortirons sur Invitation Au Suicide en est une autre. Elle va bouleverser l'image que les gens se font de nous. En fait, si nous ne sortons l'album que maintenant c'est uniquement parce que nous n'avions rien de compact. Le puzzle n'était pas construit pour l'album. Il fallait que nous soyons concrets: dans un LP. Le vinyl, c'est un jet, des émotions temporaires. Le 10" EP a été enregistré presque en même temps, mais déjà il correspond à autre chose... à un climat différent. Dès fois, tu es angoissé, noir, dépressif alors cela se ressent dans ta musique. Par la suite tu remontes un peu et ton comportement est différent, donc ton feeling l'est aussi. C'est un aspect naturel du groupe. "If I Die... I Die" est un album sensitif sous tous les aspects, mais il est moins dur pour "la tête" que le coffret. Nous avions notre idée avant d'entrer en studio, mais les choses changent pendant l'enregistrement. Tu ne peux rien garder de concret, tant que tu n'as pas le test-pressing. Même là-dessus, on étonne... et on aime être étonné. Notre producteur, Colin Newman, ex-Wire, a su très bien entretenir, conquérir la voie où nous nous trouvions. Colin est quelqu'un de très ouvert, nous parlions beaucoup. J'aime aussi son côté expérimental. Il tenait à ce que nous allions à fond pour chaque morceau, pas d'approximatif... Il voulait que l'on pousse à fond la performance. Il a très bien su saisir les éléments, l'essence des Prunes ainsi que notre face mythique actuelle. Cet album, c'est une visualisation de la vie, avec les fringues, le sexe, la nourriture, les relations avec autrui, c'est "a life style". L'album peut paraître torturé, parce qu'il faut reconnaître que nous le sommes assez nous-mêmes.

INVITATION AU SUICIDE

Comment l'idée vous est-elle venue de signer sur un label français ?
Nous connaissions leur démarche et nous voulions, par la même occasion, nous faire plaisir. Il n'existe rien de commun entre notre album et le coffret. Les attitudes, les thèmes sont moins accessibles que sur l'album, c'est une démarche très différente. Le coffret "Hérésie" est extrémiste... une cassure particulièrement schizophrène, là où ta personnalité se désintègre. Imagine-toi en équilibre, un truc excitant et dangereux, la LIMITE. La musique, les morceaux parlent mieux que moi. J'avoue que je dois faire un effort pour me resituer dans l'état où je me trouvais à ce moment précis. Nous sommes restés trois mois en studio, il est normal que cela touche à différents aspects des Virgin Prunes. Maintenant, c'est à la promotion que nous nous intéressons parce qu'il faut aller jusqu'au bout des choses. Donc notre album sortira en France, en Italie, mais aussi au Japon, en Allemagne, en Hollande. Et nous cherchons un deal pour les USA et l'Australie. Nous allons partir pour 6 dates en Hollande, 2 en Belgique, 10 en Allemagne, 5 ou 6 en France et en Italie. Nous devrions aussi jouer au festival du Budapest et à Prague.

C'est très chargé ?
Oui, mais nous avons choisi cette nouvelle attitude. A nous de la concrétiser au maximum, au maximum.

L'interview a duré trois heures et je suis sorti de la pièce avec un ami. Gavin est un personnage très attachant. Les Virgin Prunes sont à la fois intransigeants, destructifs, constructifs, matérialistes, et lui ressemblent en tous points. Déjà Je sais que je ne tarderai pas à aller faire un tour à Dublin pour sentir la ville des Prunes, cette ville qui inspire largement leur créativité et leur "mouvmemt" (en anglais dans le texte).

Samedi.
Ce soir c'est la grande parade costumée. On va faire des grimaces, danser, boire des "blook drink" et regarder tout le monde avec des yeux hagards. "Halloween party", pour le lancement du dictionnaire des labels indépendants qui répertorie sur plus de 500 pages environ, 3 000 groupes... La Bible !

Sur le carton d'invitation il est précisé que Siouxsie, Genesis Peter Odrigge de Psychic TV seront guest-stars ce soir. Ils devront élire le costume le plus fou, porté par la plus extravagante personne. Mais tout ceci pour l'instant est au conditionnel, bien entendu. Après 45 minutes de bus, un billet payé demi-tarif, me voilà au cœur de l'action. La boîte, située dans une ruelle, près de Charring Cross, m'ouvre ses entrailles. Le décor est sublime : toiles d'araignées sur le mur et le plafond, sous-sol revêtu de noir, d'immenses miroirs, lumières blanches, un endroit pour Nosferatu. Le mannequin s'est pendu à côté de moi sans dire un mot. Si le décor est impeccable, l'organisation manque un peu de "forme". Les vidéos annoncées ne passent pas, ou très mal, quand à celles de chez Factory, nous ne les verrons pas. Le public est, par instants, à l'image de la soirée, ni très enthousiaste, ni très déguisé ; il manque un rien de folie.

Je croise Youth, ex-Killing Joke et fondateur du groupe Brilliant. Impossible de lui poser .la moindre question, ou 'd'engager la conversation... il est ailleurs ??? Je croise des regards qui me semblent familiers.
A 10 h précises, monte sur scène Stuart Moxham, ex-Young Marble Glants, qui donnera un concert honnête, sans folie et sans grande inspiration. Le gig n'aura duréque trente minutes. La salle s'obscurcit, un air d'Opéra attire notre attention, c'est l'entrée des Virgin Prunes. Le son est énorme et le décor surthéâtral, avec une chaise, une table, une coupe de Champagne... Gavin et Dave apparaissent habillés en prêtres réfractaires... de la grande parade ! Télescopage de son et du mixage des voix sarcastiques, des deux chanteurs. Les notes s'entrechoquent. Les paroles résonnent dans ce décor fantasmagorique. Le mannequin se balance, un rictus sur les lèvres. Les Prunes enchaînent leurs nouveaux morceaux. C'est grand. Soudain, plus de basse, la batterie continuant pour soutenir le chant schizo de Gavin. Le guitariste tente l'impossible pour maintenir la pulsion. Quelques mots, et la tension monte chez les Virgin Prunes.... la chaise percute l'ampli basse. Le batteur et le bassiste quittent la scène, suivis de Dik et Gavin. Seul Dave, assis sur la table, les jambes gainées de bas résille, demeure souriant. Le public reste sans voix, malgré quelques hurlements spasmodiques. Le concert reprendra, le bassiste jouant sur l'ampli guitare jusqu'à extinction des feux. Cinq ou six morceaux redonneront à la flamme démoniaque sa force invocatrice.

Gavin: J'étais très énervé, je ne voulais pas que la tension baisse. Mais cette interruption n'a en rien altéré nos émotions, ni la fièvre du concert. Quand nous avons repris, j'étais le même... nous n'étions pas encore redescendus.

Ce soir, ce n'était pas la "soft parade", mais il y avait de la magie, comme ces mots qui résonnent dans ma tête :
"... Of this men shall never know,
Of this men shall never understand
We will wait for,
We mil wake up,
We will... we will be one"

et ce mot résonne "It's magic".


Ce matin, dimanche, je suis un peu étourdi, un rien dans le brouillard, je me décide à éplucher la presse, histoire d'entretenir la forme ou de trouver un sujet de discussion. Siouxsie a fait appel à Robert Smith, chanteur de Cure, pour tenir la place de J. Mc Geoch, souffrant de troubles nerveux. Déjà, en 1979, Siouxsie avait demandé à R. Smith, après le split des Banshees, d'être le guitariste de son nouveau groupe. Le leader actuel de Cure aurait pu aussi bien continuer avec les Banshees, mais il était plus séduit par une carrière solo. C'est l'ex-Magazine, J. Mc Geoch, qui a donc pris, temporairement, sa place. Aux dernières nouvelles, il semblerait que R. Smith ne s'en tire pas si mal.
Siouxsie : Cela fait des mois que la tournée est prévue. De plus, notre nouvel album vient de sortir et nous étions dans l'impossibilité de changer de calendrier. Cette année, pour les Banshees, ne semble pas être placée sous une bonne étoile. Nous avions déjà annulé des dates et retardé la sortie de l'album à cause de moi et de mes cordes vocales. C'est maintenant au tour de John... J'ai pensé qu'il n'existait qu'une seule personne pour tenir la place de guitariste dans le groupe rapidement, c'est Robert. En effet, en 1979, R. Smith avait joué avec nous. Il est devenu notre seul espoir.

Robert Smith aime bien Siouxsie comme il aime d'autre groupes de même sensibilité, mais avouez qu'il faut le faire. Leader de Cure, il n'a pourtant pas hésité longtemps avant d'accepter.
Cela fait partie d'un feeling propre aux groupes anglais. Si l'on met de côté les options musicales propres à chacun, il reste, au-delà, cette forme de solidarité qui lie tous les musiciens anglais entre eux. Il ne faut pas hésiter à dire qu'il y a une démocratisation dans les groupes, une nouvelle mobilité, une absence de rigidité qui multiplie la créativité. C'est ainsi que l'on voit des équipes se former le temps d'un seul disque et qu'il est surprenant de noter la prolifération d'albums solo de musiciens, par ailleurs iinstallés dans un groupe. Tout cela est passionnant et dynamisant au plan musical et évite l'enfermement dans un carcan rigide.

...

Halloween Part 2
Les masques tombent, voici les noms de ceux qui désire manger leur part du gâteau. Certains sont encore inconnus, d'autres pas.

SOUTHERN DEATH CULT
Un look de Dieux, un nom évocateur de chaos, peut-être un label d'acier, en tout cas une musique tribale. Southern Death Cult vient de Bradtord et ne rêve que de conquérir les autres villes.

Barry : Nous n'avons pas de plan d'action et nous ne voulons pas intellectualiser sur notre nom ou quoi que se soit. Nous voulons juste être dans un groupe.
Aky : Le groupe qui nous a vraiment apporté quelque chose, c'est les Sex Pistols. Mais je ne crois pas aux nouveaux groupes qui veulent refaire la même chose. J'aime Killing Joke et Siouxsie, car leur musique te rentre bien dans la tête et te donne l'inspiration et la force.
Ian : Nous ne voulons pas avoir de limites, et éviter d'avoir une étiquette. C'est excellent quand on nous compare à cinq groupes en même temps. Nous voulons être stimulants, créatifs dans une atmosphère particulière.


Southern Death Cult est le groupe le plus en vue, c'est-à-dire le plus exposé au business, aux médias, aux requins sans foi. Mais le groupe est serein et parfaitement conscient.

Ian : Le groupe n'est que l'extension de nous-mêmes, de nos expériences. Moi, par exemple, je suis passionné par la musique tribale des indiens d'Amérique du nord; ça ne date pas d'aujourd'hui. Mais pour le public, cela correspond à une mode du moment.
Barry : Pour certains personnes nous sommes un peu comme Sex Gang Children ou Danse Society, mais c'est juste le reflet du miroir. Nous ne sommes pas pareils, c'est un truc de la presse... comment déjà? Ah! oui, la "new wave". C'est pour cela que nous sommes les seuls à ne pas avoir encore enregistré, il faut savoir attendre. Ce que l'on fait est naturel, c'est notre truc à nous. Regarde Top Of The Pops, c'est le grand retour en arrière. C'est de la pop, ils s'endorment dans leurs rôles traditionnels.


Southern Death Cult ne tient pas à s'enfermer dans une voie de garage : ses jeunes musiciens ne veulent pas non plus "se tenir bien". La précipitation aurait entraîné un mauvais contrat, et surtout un mauvais disque. Ils savent patienter comme le toréador dans l'arène et choisir le moment le plus excitant, le plus adéquat pour porter l'estocade.

Nous avons morceaux prêts, mais d'ici à demain ça peut changer. Pour enregistrer, il faut que tu sois sûr, il faut du définitif.

Southern Death Cult
a une image impressionante, un son dur et puissant, une facilité à leur mesure. Ils n'attaqueront que quand ils seront prêts... enfin prêts, pourrait-on dire.


SEX GANG CHILDREN
Encore un nom dynamite, un look qui tue, un gang de killers. Leur son c'est le pouvoir, leur image le théâtre, leur force le présent. Sex Gang Children était en ville le même soir que les Virgin Prunes... la fameuse nuit d'Halloween. Ils n'étaient qu'a une centaine de metres, en concert avec les Meteors.

Ce que nous voulons c'est une réaction; on se fout de savoir si c'est bon ou mauvais. Je suis Terry, guitariste, il est Dave, bassiste, lui c'est Rob, batterie, et l'autre... Andy, aux vocaux. Nous sommes Sex Gang Children.

Sex Gang Children fait donc partie des groupes qui ont tait la une de la presse anglaise. A vrai dire, ce n'est pas un groupe comme les autres, leur son est dur, décapant, mais ils laissent une grande part à l'improvisation.
Nous avons la base de nos morceaux, ensuite nous improvisons en studio, parce que nous voulons créer de la bonne humeur en concert.

Leur deuxième 45t. est produit par Tony James, ex-Generation X. Tony James n'a produit encore aucun groupe, mais le gang lui a fait confiance en partie pour son feeling, son enthousiasme et son imagination. Il faut reconnaître que le résultat est plutôt bon, même s'il ne fait pas l'unanimité dans le groupe, les avis étant partagés pour la suite des enregistrements. L'album étant en cours, Tony en sera-t-il le producteur ?
Nous ne voulons pas d'un producteur qui ne comprenne rien à la musique, ni aux musiciens. Nous voulons une atmosphère incertaine, excitante, intense. Il n'y a pas de violence dans nos disques, juste une "célébration".

En concert, Sex Gang Children produit une musique authentique, une musique simple et vraie. Leur light show est coloré, et leur jeu scénique bourré de sensualité. Dans la salle c'est le spectacle permanent entre les fringues démoniaques, les mélanges de couleurs, les mohicans multicolores... c'est une nouvelle "attitude".
Voilà aussi ce qui tait la force des groupes anglais : une attitude sans cesse nouvelle ; c'est-à-dire des "designers" pour les fringues, une image percutante, un look d'enfer, un melting pot d'influences et des idées originales. Quand un groupe "réussit", c'est aussi une équipe autour de lui qui gagne, ce sont de nouvelles fringues, un courant, une mode. Il en a été ainsi pour toutes les vagues : le punk, le punkabilly, les nouveaux romantiques, les pirates, le hardcore...etc.

Les gens pensent que nous sommes un groupe théâtral, mais nous faisons aussi des concerts juste avec nos instruments. Andy a la figure peinte en blanc pour exagérer les expressions du visage. Il y a aussi le mot enfant dans notre nom, qui peut apporter un côté naïf. En effet, nous sommes un peu naïfs, mais nous sommes optimistes et nous avons la foi en nous-mêmes. Tu as vu les enfants ? Ilss sont très purs, et de plus ils sont très drôles, les gens rient avec eux. Nous ne voulons pas de séparation entre nous et nos fans - Nous voulons être tous ensemble, des amis.


DANSE SOCIETY
Que la société danse, voici venir à elle sa face cachée. Danse Society vient de Barnsley : cinq mecs qui font une musique délicate, intense, émouvante. Provocateurs ! Leur son est provocateur. Steve Rawlings, pour la presse, possède la même bouille que Marc Bolan. Ses textes sont noirs, langoureux, mais ne vous méprenez pas, ils peuvent être menaçants.

Danse Society est le plus énigmatique des trois groupes que je vous présente. Sa force vient donc du climat qu'il entretient aussi bien sur disque qu'en concert.
Au début, on fait de la musique par besoin, comme pour se sortir d'un mauvais pas. Mais maintenant, nous devons travailler plus dur. Quand nous sommes en studio, nos attitudes changent, au point que nous avons parfois, à l'arrivée, fini par oublier d'où nous étions partis. Nous savons que, pour les anglais, la musique est très importante, c'est leur truc, ils rentrent dedans complètement. Nous voulons juste donner des bons concerts, et que le public soit réceptif à notre musique. Si nous sommes sur un label indépendant, c'est en partie, pour mieux contrôler notre travail, mais aussi pour exister vraiment. Sur un "big label" tu n'es rien, juste un numéro de merde sur une liste.

Danse Society semble un groupe bourré de feeling, ses musiciens ne reconnaissent aucune influence particulière, à part, peut-être, un vrai goût pour les anciens Floyd.
On nous a souvent comparés à Joy Division, je ne sais pas exactement pourquoi. Peut-être pour le feeling ; en tout cas, notre musique est optimiste.
Je ne sais pas si l'on peut parler de pessimisme pour Joy Division. S'attaquer à la réalité, la jeter à la face des gens, s'instruire sur soi-même, se replier, se recroqueviller, douter, se connaître, n'est pas pour moi un signe de pessisme, mais de lucidité.

Qu'il s'agisse de Southern Death Cult, Sex Gang Children, ou Danse Society, tous préconisent l'optimisme et une nouvelle forme de SENSUALITÉ. On avait perdu un peu ces valeurs et il est bon que l'on revienne au salut du corps en y alliant celui de l'esprit...

Trois groupes ! La liste aurait pu s'allonger encore et encore, bien évidemment. A Londres, il y a des dizaines de concerts, dans des dizaines d'endroits chaque soir. Des centaines de groupes qui naissent ou disparaissent après un 45t. L'Angleterre vit, palpite pour la musique, c'est 500 pages qu'il faudrait pour vous entretenir de tous les groupes, de tous les labels, de toutes les villes qui bougent, qui "meuvent" Manchester, Leeds, Liverpool, Dublin pour l'Irlande, mais des dizaines d'autres, riches de dizaines de quartiers, tous prêts. Pendant ce temps, en France, c'est la vallée des lamentations sans concerts, sans salles. Pourtant, il existe des garage bands, mais il manque peut-être le feeling, une plus grande motivation... je ne sais pas... Effectivement, nous n'avons pas les roots, les racines, mais bon sang, inventons-les et poussons comme la mauvaise herbe.

Londres s'endort comme toutes les villes, mais à trois heures du matin quand je me promène dans les rues, je SENS par les narines, par la peau, par le sang qu'il se passe quelque chose... quelle agréable sensation. Londres, I love you...

Interférences et correspondance de Londres : Jean-Marc CANOVAS



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