Neva / Interviews

ESPOIRS EPHEMERES fanzine (1987)
Concert de NEVA le 18 Avril 1987 avec Gueule d' amour et Jad Wio.
Plantons le décor : deux membres du groupe Bob et Eric au synthés, silhouettes froides, rigides, militaires sont figés chacun à un coin de la scène. Une toile de plastique tendue (symbolisant un miroir), un énorme crucifix, une chaîne et une corde complètent le tout. Une ambiance lourde, oppressante monte peu à peu dans la salle. Tout à coup apparaît le troisième larron tout d'abord dissimulé derrière un carton à l'effigie d'un personnage grirnacant. Le carton s'ouvre et là surgit Jacques tel un démon, silhouette maladive, frèle, presque irréelle, visaqe livide, joues creuses, regard démesuré aureolé de noir, lèvres de feu, et l'exorcisme commence...
Jacquy vocifère des sons dont la signification un premier temps nous échappe (NEVA s'exprime dans un dialecte phonétique ajouté de sons français, allemands, anglais, espagnols) mais dont nous croyons saisir ensuite le sens tant le talent de comédien de Jacquy est immense (dans ce domaine, libre à chacun de l'appréhender selon sa propre weltanschaung). Et si au départ, l'on ne peut s'empécher de penser aux Virgin Prunes, Christian Death ou Sex gang Children (intonations de la voix et thèmes abordés), l'on doit vite reconnaitre que NEVA possède sa propre personnalité et ne peut-etre facilement classifié.
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RITUAL n°7 Janvier 1989

L'extravagance dans toute sa splendeur, c'est NEVA où la cohabItation entre des sonorités synthétiques, sombres, une basse percutante et des complaintes d'un chanteur androgyne dont le registre théâtral a été sculpté par Dieu Le Père en personne... Ayant acquis ses lettres de noblesse dans le Nord de la France grâce a une remarquable maîtrise de la scène et a quelques premières parties retentissantes (Christian Death, Clan Of Xymox, Siglo XX, Neon Judgement), le trio a investi le reste du pays grace a un 45t autoproduit et à une cassette quatorze titres Individu. Et même si certains ont reproché à Jacquy (le chanteur) d'être un clone de Gavin Friday (tant niveau du look, du jeu de scène, que la voix), la sincerlté de leurs prestations séduit.
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A TOMBEAU OUVERT AVEC NEVA Rock news (198?)
Longtemps perdus dans l'épaisse bruine axonaise, les membres du groupe psychédélique NEVA sont loin d'avoir déserté le backstage régional. Jacquy, Eric et JoèI, les protagonistes du clan rock'n'rollien, n'ont tout simplement pas encore trouvé les moyens essentiels de donner la pleine mesure à leur talent. Nettement en marge des mouvements rock actuels, ces fils des ténébres apparentent plus leur prestation à une véritable comédie musicale, aux accents post-modernistes, qu'a un show classique.

Refusant respectueusement de s'engager dans le tumulte dangereux et précaire des concerts à la "va-vite" dont l'usage illimité provoque le plus souvent un ras le bol inévitable parmi les consciences médiatiques, NEVA veut absolument prendre le temps d'atteindre les frontières de la perfection. Jacquy, incontestable leader du groupe, aux allures d'un "highlander" enferme sous sa coiffe arachnéenne un violent courant d'inspiration, ou se cotoient avec passion mouvements célestes et impulsions beaudelairiennes. L'homme est un artiste, nanti d'une évidente capacité créatrice, à laquelle s'accordent dans une étrange complicité ses deux acolytes.

Confondue dans une folie imaginaire et la fascination de la mort, la musique de NEVA n'admet aucune classification rationnelle. Leurs accords synthetiques sont une aude aux premiers jours de l'apocalypse et le dialecte inconnu qu' emploie Jacquy dans ses compositions sont autant de poemes lyriques en hommage a des chimères de la quatrieme dimension.

Depuis le dernier tremplin rock a Chauny et une participation remarquée au projet Emotion1 en 1985, on ne vous a pratiquement pas entendu. Pourquoi cela ?
C'est en partie vrai, et à part quelques petits concerts, nous avons décidé d'un commun accord de prendre un peu de recul par rapport a la scène regionale. Nous avons tant bien que mal essayé d'affirmer notre image durant ces derniers mois, et depuis, nous avons réalisés que notre façon de jouer avait du mal à s'adapter aux salles que l'on nous propose.

Ou est le problème ?
Nous n'avons pas la même conception de la scène que la plupart des autres groupes. En fait, nous faisons des choses trop differentes.

Refusez-vous de vous produire avec d'autres groupes ?

Ce n'est pas tout à fait cela. Nous avons besoin de structures differentes. Nous ne travaillons pas de la même façon. Nos prestations ont un aspect théâtral très marqué et plutôt que d'imposer notre mise en scène aux groupes participant à un même concert, nous preferons nous produire seuls, ceci afin que personne ne souffre d'une quelconque gêne quant à la mise en place d'un concert.

Etes-vous en désaccord avec les groupes du coin ?
Pas du tout et contrairement à cela, nous avons d'excellents rapports avec les rockeurs des environs. Tout simplement nous ne faisons pas à proprement parler du rock, c'est un spectacle complet que nous aimerions pré-senter. La qualité de l'interpretation à autant d'importance que le décor psychologique.

Sur quoi est basé votre spectacle ?
C'est encore assez confu, mais les thèmes principaux tournent autour de l'enfance et de la mort. Le mystère de la vie et de son origine sont nos principales sources d'inspiration. L' inconscient et le rêve nous attirent, et l'expression de nos sentiments necessite un travail de recherche énorme.

Dans quelle langue vous exprimez-vous ?
Appelons cela le ''substitut language ", c'est une sorte de compilation métaphysique servi par l'intervention d'un dialecte et de plus en plus completé par l'usage de la langue française.

NEVA est-il un groupe à message ?
Pas exactement nous sommes plutôt des messagers de l'au-dela... des rockeurs d' outre-tombe !

Philosophes d'une ère nouvelle, théoriciens et musiciens de l'absolu, les trois de NEVA n'ont décidément pas fini de nous etonner, et si la chance vous est donnée de les rencontrer un soir de pleine lune, prenez le temps d'écouter leur chant nocturne...
Philippe Gluck
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ELEGY #5 (Juillet 1999)
Presque dix ans après le split, les trois farfadets de NEVA nous reviennent un bref instant d'entre les morts avec la réédition (enfin !) en CD de tous leurs travaux. Histoire de tourmenter encore un peu notre subconscient et de donner un visage à nos cauchemars... L'occasion était trop belle de questionner son leader, Jacquy Bitch, sur cet étrange phénomene underground qui continue encore aujourd'hui à hanter la mémoire collective d'un Hexagone gothique en mal de héros.

Pourquoi Neva a-t-il splitté au début des années quatre-vingt-dix ?
Jacquy Bitch (Chant/Basse): Nous n'étionss plus tellement d'accord sur la direction musicale à prendre. Eric (NDLR l'un des 2 synthés) était plus branché par la techno et les concerts ne l'interessaient plus j'ai donc decide de continuer en solo. De toutes les manières, Eric et Joel n'avaient pas vraiment de formation rock. Je me rappelle que lors de nos dernières scènes, j'avais intégré la guitare en plus de la basse, tandis qu'eux avaient investi dans des synthes. Alors ils en foutaient partout et lors des concerts c'était à celui qui en ferait le plus, on ne s'entendait plus. C'était devenu electronique contre instruments à cordes! Cela ne pouvait plus continuer. Alors on est toujours plus ou moins restés en relation (on s'échange nos samples par exemple, mais il n 'a pl
us jamais été question d'une eventuelle reformation de Neva.

Cette réédition en CD de votre démo Fausse Conscience, c'est ton idée ou celle du label Darkside?
C'est mon idée. Les bandes dormaient depuis lonetemps chez moi et le je me suis finalement dit pourquoi pas ? Et vu que je suis bien avec les gens de Darkside (NDLR le label à produit le premier album de Jacquy Bitch Coram) je leur ai demandé s'ils étaient interessés et ils ont dit oui. D'ailleurs, nous sommes partis pour réediter aussi notre autre démo Individu en septembre, le collector a Noël ainsi qu'un vinyl numéroté à mille exemplaires.

Vous qui n'étiez jamais allé au-delà du stade de la K7, mis à part le 45 tours Hallucination, qu'est-ce que cela t'inspire de voir aujourd'hui tous les travaux de Neva enfin sur un support officiel ?
Cela fait plaisir... Mais je crois que Neva est apparu un peu trop en avance... Ce n'étais pas très bien perçu a l'époque, il n'v avait rien et personne pour s'occuper de nous. Et puis de toute façon, le peu de groupes français qui existaient étaient vraiment considérés comme des charlots par les Anglais ce qui est toujours le cas d'ailleurs. Nous, on avait fait quelques demandes à droite à gauche mais rien n'a jamais abouti. En fait je me rends compte maintenant qu'on était assez avant-gardistes, et ce qui est marrant c'est que, depuis deux ans je reçois plein de courrier de i'étranger, en particulier d'Allemagne dans lequel les gens me demandent si Neva existe encore, si l'on va se reformer.

Comment expliques-tu ce statut de groupe culte qui perdure?
Je ne sais vraiment pas. C'était peut-être nos synthés qui étaient assez mélodiques. Mais je pense en fait que c'est surtout dû à notre jeu de scène. Les gens semblent avoir été marqués par ce petit bonhomme tout maigre qui chantait et par ces deux claviers immobiles, dont un grand Frankestein. Cela n'avait pourtant rien d'exceptionnel mais le public trouvait ça bizarre à l'époque.

Et justement, Neva sur scene...
Cela dépendait du contexte, de la salle, on se servait de tout ce qu'on pouvait trouver. Je me rappelle qu'a l'epoque je chantais en porte-jarretelles et souvent on s'est retrouvés à jouer dans des endroits bizarres, avec par exempie des commandos de parachutistes dans le public ou bien même des skins. Mais ce qui est étonnant, c'est que ça marchait super bien, même si des fois on a dû se sauver très vite. On n'a jamais compris ce succès ni ce mélange d'audience. Mais ça a été de grandes expériences pour nous, comme de jouer avec des groupes comme Siglo XX, Jad Wio ou bien encore d'ouvrir pour Christian Death et Clan Of Xymox en 1987.

Quels étaient vos thèmes de prédilection ?
Le martyr des enfants, la diablerie, l'antéchrist, les rêves.

Ne regrettes-tu pas cette séparation ?
Non car Neva a fait largement son temps, et c'était bien. Nous ne sommes pas tombés à la bonne époque, c'est tout.

Stephane Leguay
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