Virgin Prunes IF I DIE, I DIE

Rock and Folk
n°192 (janvier 1983)

Les Virgin Prunes sont des simples d'esprits pervers originaires de Dublin, Irlande du Sud. Depuis quelque temps, leurs enregistrements suscitent un engouement violent qui fait suite à un concert resté comme l'une des plus monstrueuses claques des nuits mescalisées du Rex Club. Performance des extrêmes, chorégraphie de l'outrance, hyper-théâtralité, carnaval satanique, déchaînement de folie burlesque, érotisme arrogant, ambiguïté du monstrueux et du sublime, les Virgin Prunes imposent scéniquement les "nouvelles formes de beauté" qui ondoient dans leur musique : les convulsions punk qui tournent à l'ébriété tribale, les expérimentations sonores d'un univers cruel et hypnotique, les remix boréal-disco d'incantations païennes...

Depuis "Pagan Love Song", réussite majeure du genre, les Prunes distillent l'art unique de prendre les choses à rebours, d'ouvrir en douceur les portes de la folie, de l'enfance, du rêve, du mal. Sous une pochette sublime qui visualise l'univers prunesque, "If I Die, I Die", produit par Colin Newman (ex-Wire), en présente toutes les séductions : versant berceur desballades funky ("Baby Tnrns Blue"), rock mélodique pour arrangements soyeux ("Ballad Of The Man"), dialogue rythmique à contre-temps ("CaucasianWalk"), climats d'envoûtement et de transe rituelle ("Walls Of Jericho"), rythmes souples et basse moelleuse ("Decline And Fall"), injections de sons cuivrés ou synthétiques ("Theme for Thought").

Autant de paysages musicaux qui affleuraient dans les productions antérieures, mais où la transe sauvage, le conte plein de sons et furie écrit par un idiot tournent à l'emphase baroque. Là ou l'on attendait un certain rock renouant avec la version moderne du satanisme, on assiste peut-être au dernier avatar du psychédélisme. Avec un charme offensif ouvertement vénéneux, les Virgin Prunes soutiennent la tendance inverse de l'angélisme, de la spiritualité et de la violence sublimée représentés avec éclat par Eyeless in Gaza (et sous les espèces requiem-rock et pop-gothic par Opposition et Simple Minds). D'une recherche torturante de la perfection à l'acceptation euphorique d'un futur accidentel...
Faut-il laisser les Virgin Prunes en liberté ?

Anaïs Prosaïc


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