Virgin Prunes IF I DIE, I DIE

Rock en stock
n°60 (janvier 1983)

Avant tout chose laissez-moi vous parler du package, il y a longtemps que je n'avais vu une pochette aussi belle. Tout y est : la mise en page, le graphisme, la photo (magnifique), le logo, le recto, le verso, tout est superbe. Voilà une bonne chose : quand le regard est attiré, la conquête est à demi assurée. Les Virgin Prunes viennent de Dublin et non de Londres, c'est l'Irlande, pas l'Angleterre (les données sont très différentes). Le climat politique est au bord du gouffre, la violence est omniprésente. Les gens sont très acceuillants, mais particulièrement réservés.

Quant à la religion, je n'ai nul besoin de vous préciser la place d'honneur qu'elle tient. Les Virgin Prunes ont fait un concert à Paris au Rex pour le magazine Actuel... ce fût un concert inoubliable qui montrait à un public dit "branché" où se situe exactement la folie. Mais les Prunes sont aussi un concept très particulier. Après deux ans d'existence, c'est leur premier album (ils ont à leur actif des 45 t., des maxis 45 t., des cassettes, une vidéo, un coffret chez "Invitation Au Suicide"). Productif, créatif et multidirectionnel, voilà leurs données. "UIakanakulot" avec une intro délirante, acoustique, très douce. Puis la folie s'installe, accélérée par la voix nasale de Gavin. Que se soit "Decline and Fall" ou "Sweethome Under White Clouds" ou "Bau-dachong" tout est mis en place d'une façon fantastique. Quand cette face 1 s'arrête, la première idée qui jaillit est de la remettre encore et encore. On aimerait se saouler de cette musique, parce que c'est BEAU. Jamais ce mot n'aura pris une telle signification.

Vu sous un autre angle c'est aussi un extrême et je comprends que l'on n'aime pas. Ce qui y règne est trop fort pour faire un quelconque partage, mais ensorcelé je suis. Si je vous parlais de religion c'est parce que les Virgin Prunes ont une très grande attirance pour les messes noires, les crucifix, le beau dans l'horreur, le suicide, la mort... la vérité. La face 2 détient la même force, la même hargne dévastatrice, le même engouement. "Baby Turns Blue" est à la fois un morceau sauvage par sa forme et un morceau de paix intérieure. L'approche de cet album est plus aisée que celle de leur précédent disque, moins cruel, moins froid, moins dur aussi. Les Virgin Prunes se défendent d'appartenir à quoi que se soit, ils refusent les étiquettes néfastes. Cet album produit par un ex-Wire, Colin Newman, est si compact que vous ne pouvez en détacher un morceau ; même la pochette fait partie d'un tout. Quand les Virgin Prunes seront dans vos villes, allez à leurs concerts, ça ne s'oublie pas. En attendant il y a l'album qui vous suit, qui vous colle au corps. "If I die, I die" n'est ni un album noir ni un album pessimiste... juste un disque qui laisse une cicatrice comme un signe.

Jean Marc Canovas
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