NEW WAVE n°26 (Fall 1984) interview

X-Mal Deutschland était cette fois-ci, un plan particulièrement ardent, le mot d'ordre circulait depuis un bout de temps et, oh miracle... sans l'aide des medias. Et pourtant, même si on attendait beaucoup des Allemandes, après le r'n'r coupé (vieux modèles renouvelés) de Spear Of Destiny, à l'entracte des doutes se sont fait jour, à savoir si les teutonnes pourraient assurer après "ça". On eut encore une surprise avec Anja and Co... mais le "branché", naturellement, le savait depuis toujours...

On est trés content ici qu'enfin vous ayiez pu venir jouer à Paris. Vous vouliez déja jouer au Festival du Rock Franco-Allemand au mois de février, mais vous avez du annuler le concert. Il y a eu un assez long silence...
Fiona : La batteuse a quitté le groupe après la tournée en Angleterre è l'automne 83 et ça a forcément entrainé une pause.
Manuela : Elle a quitté le groupe début novembre et Peter nous a rejoint en février.
Anja : Et c'est à cause de ça que nous avons acheté la boite à rythmes et pourquoi nous travaillons avec. Nous n'aurions guère osé cela avant, surtout pas les deux en même temps...
Fiona : Nous voulions l'essayer en studio une fois, pour le live nous en aurions jamais achetée.
Anja : Il y a trés peu de batteurs qui savent faire ça... qui sait le faire? La plupart l'abandonne après un bout de temps.
Fiona : Surtout en live, c'est un problème particulier. Tu dois entendre parfaitement la boite à rythme sinon ça devient complètement chaotique.


En automne, au moment do votre tournée en Angleterre, ressortait Incubus Succubus. L'édition 4AD est meileure que la première version.
Anja : C'était un nouvel enregistrement. On ne pouvait l'acheter qu'en Allemagne. En Angleterre, il était trés cher. Vu que beaucoup d'Anglais trouvaient le titre super, nous avons racheté les droits.

Votre nouveau disque Tocsin diffère à beaucoup d'égards du précédent. Non seulement il est beaucoup plus compact et différencié, mais il a en plus le son typique 4AD. A quoi est du ce développement ?

Anja : D'abord, c'est normal qu'on évolue. On ne peut pas rester à jouer ou à faire les mêmes choses durant deux ans.
Manuela : En plus nous avons travaillé avec la boite à rythmes, nous avons un nouveau batteur. Que nous ayons travaillé avec un producteur pour la première fois y contribue aussi essentiellement. Et puis il y a aussi que tu essayes plein de choses toi-même et que tu deviens de plus on plus sûr de toi.
Fiona : Le disque est plus professionnel que tout ce qu'on a fait jusqu'à maintenant. Beaucoup plus compact.
Anja : Tu peux par exemple beaucoup mieux distinguer les détails, ce n'est pas seulement "fort", une sorte de mur du son. Si tu écoutes bien tu peux entendre les détails.
Fiona : Tu crois que le disque à le son typique 4AD. En vérité nous sommes une partie de ce son 4AD. Nous avons contribué à sa naissance. Voilà pourquoi on ne peut pas dire que ce disque a copié le son 4AD. De plus, le disque n'a pas que du son 4AD...
Anja : je pense la même chose. quelqu'un d'exterieur l'entend certainement mieux. Comme musicien, on est tellement pris dedans, qu'on ne peut pas le voir du dehors.
Fiona : 4AD est un label très compact. Tous les groupes y sont les faces differentes d'une seule et même chose.
Wolfgang : C'est finalement une seule personne qui choisit les groupes; Et même s'ils sont choisis de differents points de vue musicaux et commerciaux, c'est toujours une personne qui choisit. Ca donne toutes les facettes d'un seul goût.
Fiona : 4AD a parmis les labels indépendants un certain statut, une image très forte. Idem pour les pochettes.

La présente tournée est très étendue. Paris est le premier concert. Et après ?
Anja : Du 18 au 31 Septembre, l 'Amérique. Puis l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne, l'Autriche, le Benelux et la Scandinavie.

On dirait que vous avez plus de succès à l'étranger, peut-être même plus en France, qu'en Allemagne. Vous avez eu des périodes dures en Allemagne ?

Wolgang : Ce n'est surement pas facile pour nous en Allemagne, mais dire qu'on y est moins qu'en France est exagéré. Il est vrai que nous sommes plus connus en Angleterre qu'en Allemagne, mais cela s'améliore. Cela arrive à beaucoup de groupes d'être plus connus à l'étranger que chez eux. Fad Gadget l'était plus en Belgique et Hollande qu'en Angleterre. Ce n'est pas trés agréable, mais ce n'est pas typiquement allemand.

Comment digérez-vous les influences différentes de l'Allemagne et de l'Angleterre ?

Anja : Nous ne pouvons pas dire si nous sommes un groupe Anglais ou Allemand. Nous sommes pratiquement toujours entrainé entre les deux, on est jamais plus de 2-3 mois dans l'un ou l'autre. Nous sommes entre ces deux cultures et construisons sur les deux. Nous sommes une sorte de mélange, ni Anglais, ni Allemands.
Fiona : Plutôt surnational. Pas cosmopolite. Dans la musique, le pays d'origine n'est pas si important.
Wolfgang : Nous sommes aussi indépendants que possible. Sans contester nos influences.
Anja : Nous n'avons jamais rien eu à faire avec les autres groupes... Personnellement, si, parce que nous sommes une partie de cette scène musicale. On connait Abwarts par exemple, on vit peut-être ensemble, mais nous n'avons jamais vraiment travaillé avec eux.
Fiona : Quand nous avons débuté, on ne pouvait pas nous classer. Nous venions du punk, mais sans avoir fait une musique pareille. Nous utilisions un synthé, ça nous distinguait. Aujourd'hui des journalistes essaient de mieux nous catégoriser...

Comment voyez-vous l'actuelle situation musicale allemande? Vous venez de Hambourg. Que s'y passe-t-il ?
Wolfgang : A Hambourg, il n'y a presque rien...
Fiona : Si, il y a une scène, un peu cachée. Des nouveaux groupes, inconnus.
Wolfgang : Pendant un temps, ça a bougé entre Berlin et Hambourg. Maintenant Berlin vit de sa réputation morte depuis des années. Maintenant cela vient du Ruhrpott (région industrielle au bord de la Rhur; Düsseldorf, Dortmund, Bochum, Duisbourg). Mais il n'y a pas de scène musicale en Allemagne dont on pourrait parler concrètement.

Il y en a influencés par vous ?
Anja : Au début je ne croyais pas que cela venait de nous, du groupe. Des gens disent que notre succès en Angleterre y contribue et que gràce à nous des groupes osent faire une musique pareille. Jusqu'à présent nous étions dans ce genre sans concurrence.

Sur votre dernier disque, les textes sont presque toujours en Allemand, et d'une ambiance "cafard".
Anja : Sur le 1er disque c'étaient des mots différents de ce qu'on utilise normalement. Sur celui-ci, c'est plus doux. Pas cafardeux, plutôt mélancolique (Reigen). A vrai dire les textes sont sans importance. Ce sont des mots qu'on peut chanter. Les vieux titres comme Geheimnis contiennent tant de mots, on ne peut pas les chanter comme ça. Pour moi, c'est nouveau d'utiliser si peu de mots, d'essayer de les chanter mélodiquement, pas monotonement. C'est différent de le faire en anglais ou en allemand. L' anglais est plus facile à chanter, moins de mots et plus doux.



NEW WAVE n°26 (Fall 1984) review
Originaire de Hambourg, X-mal Deutschland s'set formé à l'automne 1980, groupe entièrement féminin et sans aucune expérience musicale. Anja HUWE (voc), Manuela RICKERS (guit), Fiona SANGSTER (claviers), Rita SIMON (bass) et Caro MAY (drums) le composaient. X-Mal Deutschland refusa toujours d'être rattaché au courant dit Neue Deutsche Welle, préférant affirmer autonomement ses propres idées. C'est pourquoi elles ne signèrent pas avec une grande compagnie allemande.

Elles assurèrent les premières parties de groupes allemands comme Palais Schaumburg, Einsturzende Neubauten, Abwarts, Wirtschaftwunder. Elles tournèrent avec DAF. Leur attitude, elles la gardèrent, notamment par rapport à la scène anglaise, lors de leurs séjours londoniens.

En novembre 1982, X-Mal Deutschland débarqua dans la capitale britannique pour une première partie des Cocteau Twins au Venue. C'est là qu'elles rencontrèrent 4AD. Le LP Fetish en sortira n°3 dans les charts indépendants. Puis tournée avec Danse Society. En juin 1983, elles jouent en Grande-Bretagne, Rotterdam, Bruxelles, Rome et dans la "Vaterland", la RFA. Wolfgang ELLERBROCK prend la basse. X-mal Deutschland oppose une "naiveté désespérée désarmante au crétinisme de l'éclectisme" (NME). Octobre 1983 sold-out au Venue. Peter BELLENDIR remplace à la batterie Manuela ZWINGMANN.

Avril 1984, Mick Glossop produit le LP Tocsin présenté lors de deux concerts à Manchester Hacienda et au Lyceum de Londres. L'album sort en juin, accompagné d'une tournée britannique. A l'automne 1984, tournée européenne inaugurée à Paris, le 14 septembre. Anja se révèle comme une Blondie siouxsisante excellant à porter la salle au délire. Concert macabre et idyllique. X-mal Deutschland symbolise l'amour mélancolique sombre et destructeur d'une jeunesse allemande désabusée, mais active. Trés prometteur...

Herr Sang


N.B. Autant Spear Of Destiny fut pro, commorcial et anglais (le tout dans son sens le plus péjoratif), autant Flesh For Lulu étonna avec son r'n'r sans guitares et ses plagiats de Gun Club / Thunders, autant Dead Can Dance ne réveilla pas les morts (sauf sur 2 titres percussionnés), autant furent excellents Nox, Kukl, X-mal Deutschland et Play Dead. Au ravissement des 500 batcaves, branchés et journaleux glandouilleurs présents les 13 et 14 Septembre à l'Eldorado à Paris.

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